27th Bank of America Chicago Marathon, mon cinquième Marathon

Illinois, USA
Le marathon de Chicago, désormais connu sous le nom Bank of America Chicago Marathon, est l’un des principaux marathons mondiaux.
A ce titre, il figure au calendrier du World Marathon Majors, compétition internationale qui regroupe depuis 2006 les cinq plus grands marathons au monde: les marathons de Berlin, de Boston, de Chicago, de Londres et de New York, auxquels s’ajoutent le marathon des Championnats du monde d’athlétisme ou des jeux olympiques les années où se déroulent ces compétitions.
Nous re-voyageons avec Planet Tours après le marathon de Londres.

Ma préparation
Du 16 Août au 10 Octobre 2010. Plan sur 8 semaines – 4 séances par semaine.
Récupération du dossard et début du séjour ici…
Dernier marathon, celui du Médoc le 11 septembre 2010.
Dimanche 10 Octobre 2010
J’ai mal dormi cette nuit, les pompiers de la ville ont eu la bonne idée de faire hurler les sirènes toutes les heures. J’hésite à choisir un café au 7Eleven du coin, mais je sais que j’ai le cœur qui risque d’exploser.

Dans notre chambre, je me contente d’un thé, d’une banane achetée 75 centimes au drugstore et du pain d’épice que j’ai ramené de France. Je n’ai pas besoin de réveil, j’ai les yeux grands ouverts quand l’hôtel se réveille dans la nuit.
Mes affaires sont prêtes depuis la veille, mon dossard est bien épinglé, ma puce bien accrochée sur ma chaussure droite. De la fenêtre nous apercevons des hordes de coureurs fébriles qui convergent vers le lieu précieux: Grant Park.
C’est notre tour, l’ascenseur dévale les 21 étages en quelques secondes. Dans le hall, nous retrouvons les autres coureurs français du groupe notamment celui qui portera une tour Eiffel de 12 kilos sur les épaules.

Nous sortons en silence de l’hôtel, chacun reste concentré dans sa tête. La longue file de marathoniens et de leurs accompagnateurs envahissent Michigan Avenue dans cette ville qui s’éveille peu à peu. Grant Park. Comme d’habitude, plusieurs longues files d’attente devant les toilettes mobiles à 30 minutes du départ m’inquiètent. Mes 500 ml de thé bus chaque matin doivent passer avant que ne débute la course, sinon c’est la catastrophe assurée. Alors je patiente comme des milliers d’autres qui ont envie de se soulager comme moi. Je regrette les urinoirs féminins de Londres, c’était beaucoup plus pratique et rapide.
Quinze minutes après, je suis allégée mais il est déjà trop tard pour rejoindre mon sas D, je me trouve donc une place tant bien que mal parmi le dernier groupe. Au loin, j’aperçois les meneurs d’allure de 4h15.
Progressivement, je me rapproche d’eux en me faufilant. C’est aussi pour me tenir chaud. Je regarde autour de moi pour m’imprégner de l’ambiance de ce premier marathon américain. Les coureurs sont calmes, voire sérieux.
Pas de déguisement en vue.
Millenium Park
L’hymne national est entonné par un chanteur à la voix chevrotante, je me sens un peu étrangère au milieu de cette foule américaine écoutant pieusement cette chanson. Mais l’émotion me prend enfin quand à 7h30, nous commençons à avancer lentement puis de plus en plus vite vers la ligne de départ. J’aime ce moment où la concentration émotionnelle est forte et que tous les coureurs ont les yeux rivés sur leur montre avec un doigt prêt à enclencher le départ. Click, click, click.
Je regarde mon cardio: j’ai le cœur qui s’emballe à 160 avant même d’avoir couru le moindre mètre. Non, il doit y avoir une erreur…

Nous passons sous l’arche de départ. Bip, bip, bip c’est parti. Un peu trop rapidement, nous entrons dans un tunnel. Mon GPS tente désespérément de capter un satellite, en vain, j’ai peur qu’il ne me lâche. Alors je cours encore plus vite pour rejoindre la lumière.
Ouf, c’est enfin la sortie, mais ma montre m’indique une allure invraisemblable, avec toutes ces tours autour, elle s’affole, et moi avec. Je n’ai plus de repère, je me perds dans un souffle, j’essaie de me fier qu’à ma respiration. Je regarde autour de moi, les meneurs d’allure de 4h15 sont partis une minute après moi, je ne les aperçois pas, ils sont derrière, je les ai semé, je n’essaie pas de les attendre. Tant pis pour le dossard de Nike que j’ai récupéré pour faire partie des 4h15. J’irai à mon rythme.

Je suis donc seule mais entourée par environ 44499 autres coureurs en ce dimanche à 7h30. En réalité, je n’ai croisé la ligne de départ qu’à 7h42. Bref, me voilà partie avec toute cette foule qui me dépasse. Je voudrai m’affranchir de cette montre qui me dicte mes foulées, je ne la regarde plus, je m’élance.
J’essaie de regarder autour de moi les contours de cette ville que je n’aurai jamais visitée s’il n’y avait pas eu ce marathon. Elle est belle, j’aime son architecture à la fois moderne et également intemporelle. Ces lignes droites et ces courbes, ces gratte-ciels et cette église perchée tout en haut. En plus, ce qui ne gâche rien, il fait beau, trop beau. Consciencieusement, je ralentis à chaque Aid Station où nous sont tendus Gatorade sur 50 m puis de l’eau, je me sers des deux. C’est idiot, mais j’ai peur de manquer d’énergie, d’eau, alors j’ingurgite deux ou trois gorgées de chaque. C’est ainsi jusqu’à l’avant dernier ravitaillement car j’avoue qu’à la fin, j’ai des nausées et affreusement mal au ventre.
Quand je repars enfin, j’ai les semelles qui collent à la chaussée et je dois slalomer pour ne pas glisser sur un verre ou une bouteille. Tiens, j’ai appris à boire au verre en courant, il suffit de l’écraser un peu sur les bords pour y boire plus facilement.
J’essaie mais ce n’est pas si aisé que cela, j’en renverse un peu et j’en avale aussi par les narines, je tousse. Quand aux bananes distribuées à partir des derniers miles, je n’en consomme qu’une fois, mon gavage au Médoc m’a servi de leçon.

A environ miles 5, je m’aperçois que je cours depuis quelques minutes à coté d’un jeune homme qui commence à discuter. Je crois comprendre qu’il me parle du marathon. Eh bien, oui, pardi, de quoi d’autre pourrait-il me causer? Le souci, c’est que je ne suis pas “English fluent”.
Mais je n’ai pas le temps de lui expliquer. Et puis, je suis également là pour “improve my english”. La conversation est brève, je lui signale que nous courons un “little bit fast”. Il acquiesce mais ne ralentit pas pour autant.

Il me dit que ce n’est pas son premier marathon à Chicago et que celui-ci serait probablement son plus mauvais. Bizarrement, je me sens coupable de le ralentir. Alors, je lui dit de me lâcher et de vivre sa course tout seul. Il me répond que cela ira comme cela.
C’est sympa de courir avec quelqu’un, même si je sens que nous irons dans le mur. A chaque ravitaillement, nous ralentissons un peu puis nous retrouvons en bout des tables. Nous courons côte à côte sans un mot parfois, accélérant un peu quand l’autre montre des signes de faiblesse.
Au 19ème miles, nous décidons de ralentir un peu plus. Au 20ème, il me quitte pour aller aux toilettes, puis…je ne l’ai plus revu.
La vie continue, la course aussi. Je ralentis de plus en plus, il me semble que j’ai chaud. Ils ont sortis les lances d’incendie et un peu de fraîcheur est la bienvenue. Nous longeons les murs pour trouver de l’ombre.
Je bois mais mes lèvres dessèchent rapidement. J’ai mal au ventre, néanmoins, je ne ressens aucune fatigue. Juste un peu marre de courir pour qui, pour quoi? Mais quelle idée saugrenue. Je me ressaisis. Allez ma vieille, le coup de blues m’a lâché.
Je reprends du poil de la bête, j’y crois à nouveau.

Des coureurs marchent, j’en dépasse même qui courent. Je me sens légère. Je ressens sur ma peau les encouragements de la foule qui commence à être plus dense sur les derniers miles. J’ai eu la bonne idée de coudre sur mon tee-shirt mon nom. Que c’est stimulant de s’entendre encouragée tout au long du parcours par des spectateurs. J’en souris, j’en frémis, je me sens marathonienne. Je ne suis ni la première, ni la dernière, je ressemble à tous ces coureurs qui veulent aller jusqu’au bout de leur rêve. Et le bout, je n’y suis pas encore, en même temps, je ne suis pas si pressée d’en découdre. Je voudrais arrêter le temps et m’allonger sur l’asphalte pour profiter de ces moments magiques de course.
“Just one mile” nous crient les spectateurs.

Ça y est, nous y sommes, je me retourne juste un instant pour ne pas, pour ne jamais oublier ces instants baignés de grâce et d’endorphine, de plénitude totale. J’y suis presque.
200 mètres avant l’arrivée, sur une petite dernière montée, devant moi, au milieu du chemin, un homme est planté là, complètement tétanisé, il se tient les cuisses, j’ai mal pour lui et autour de lui, le public l’encourage. Il va repartir. Je poursuis mon chemin.
100 mètres avant l’arrivée, je veux terminer en beauté, j’en ai encore un peu sous la semelle, je suis venue pour cela, un dernier sprint dans un dernier souffle puis un énorme, un gigantesque sourire de soulagement.

Bip, bip, bip, c’est fini. Dans mes objectifs. Je souris encore, je reçois ma médaille puis ma couverture de survie. Puis une banane, une bouteille, des biscuits. Mes bras sont surchargés, je prends tout ce que l’on m’offre
même si j’ai l’estomac noué.
Les bénévoles sont souriants, ils étaient présents en nombre et nous ont encouragé tout au long du parcours. Merci à eux.
Je marche un peu hébétée, je croise une bannière rouge: nous sommes passés de 16°C au départ à 30°C à l’arrivée, je comprends maintenant pourquoi j’avais si soif.
Mais il est temps de passer maintenant au prochain marathon même si je m’étais jurée en milieu de course que plus jamais on ne m’y reprendrait. Mais on est marathonien ou pas et on ne se refait pas.
A nous, Boston…
Résultats:
04:12:38 – 10912 sur 45000 inscrits dont 35773 arrivants – 3125/15997 femmes – 245/1414 Vétérans 1 femmes