
Inscrite pour le 04 avril 2020, la pandémie de COVID a entraîné le report de la course au 28 novembre 2020 de nouveau déplacée en avril 2021. Mais mon accident de décembre 2020 survenu en plein entraînement a bouleversé mes projets. Finalement, je me suis repositionnée pour la course du 9 avril 2022 dans l’unique espoir de terminer ce marathon en moins de 12 heures.
Flash back

Le choix de la Patagonia Run fait suite au Marathon du Mont Blanc que j’ai achevé après 9h30 d’un effort soutenu et laborieux. Une course-trail dans les montagnes avec un dénivelé de plus de 2400m.
Je n’avais jamais visité l’Argentine et l’occasion était trop tentante. En décembre 2019, J’avais trouvé un plan d’entraînement assez raisonnable et celui-ci avait bien débuté. J’entamais le troisième tiers avec un grand sérieux.
Mais quand la pandémie a débuté en mars 2020, un mois avant mon départ, la course a été annulée, le monde s’est arrêté de tourner et mon élan a été brisé. Je me suis retrouvée désemparée, sans aucun but. Toute envie de courir a subitement disparu. Suite au confinement, la compétition a alors été reportée en novembre 2020. Ensuite, il a été reconduit en 2021. Je n’avais pas encore dit mon dernier mot. J’ai poursuivis mon entraînement.
12 décembre 2020. Après moult hésitation, ayant eu le choix entre 2022 et 2021, je décide finalement de prendre le pari de partir en 2021. Je n’arrive plus à patienter. Je croise donc les doigts X.

13 décembre 2020. Mon accident. Courir en 2021 est une utopie. Je renonce.
16 avril 2021. Je reprends espoir malgré les mises en garde du chirurgien. J’arrive à peine à marcher sans boiter. Je reporte mon inscription pour 2022 grâce à la compréhension de l’organisation.
Août 2021- Je trottine mais chaque appui sur ma jambe gauche m’arrache des cris (silencieux) de douleur. Désormais, j’ai peur de courir sur les routes de campagne. Alors j’arpente inlassablement la ligne droite de mon allée pour m’entraîner. Je m’isole dans ma bulle pour me concentrer uniquement sur ma foulée.
Entraînement. La flexion de mon genou étant limitée à 100°, les accélérations sont difficiles et pour ne pas aggraver ma douleur, je décide de ne plus suivre le plan d’entraînement prévu en 2020 mais d’opter pour améliorer l’endurance.
Les séances sont désormais composées de footing tranquille et d’endurance avec un peu de dénivelé type rando-course. C’est tout dont je suis capable de faire. Je me sens frustrée mais je n’ai pas le choix. Je dois me rendre à l’évidence: je ne retrouverai plus jamais mon niveau d’avant ce foutu accident.

Veille de la course :
Hotel Antiguos|Race office 7mn à pied. Après avoir déposé nos bagages à notre hôtel, nous retrouvons non sans mal le centre sportif où je récupère mon dossard ainsi que le tee-shirt officiel un peu avant l’heure prévue (18h45).

Cela nous laisse le temps de faire quelques courses au supermarché. Les restaurants n’étant ouverts que tard, j’avais peur de ne pouvoir me coucher tôt pour être en forme le lendemain. J’ose choisir une pasta box, pas très local mais en tout cas, notre hôte nous a fourni l’eau bouillante et j’ai été très contente de pouvoir être au lit à 20h.
Jour J :

La nuit a été , comme toutes les veilles de marathon, agitée.
Un petit-déjeuner matinal à 6h00 est prévu pour les coureurs. Céréales, fruits, gâteau sec, pain, café, le tout est ingurgité en 15 minutes. J’ai hâte d’en découdre avec cette course.
Des bus sont prévus pour nous acheminer vers le lieu de départ à partir de 6h30, mais ils ne sont pas nombreux, et rapidement la file de coureurs s’allongent rapidement. Je fais la queue pour prendre un car qui nous emmènera au Centre Sportif.

Mais je m’aperçois que j’ai oublié ma bouteille d’eau. Je repars alors en courant vers notre hôtel la récupérer et quand je reviens, la file est encore plus impressionnante. Une petite pluie froide s’ajoute à l’attente très longue. Je suis contente de porter ma veste/coupe vent imperméable, Il est 7h43 quand j’entre dans le minibus.
Dans la salle, un petit-déjeuner est prévu, avec du café, du pain, etc… Ils sont très bien organisés.
Je me rends rapidement aux toilettes, j’attrape au passage une bouteille d’eau et je bois un verre de coca.
Compte-tenu du retard des cars emmenant tous les coureurs vers le lieu du départ, celui-ci prévu à 8h est retardé de vingt minutes.
L’ambiance est festive, comme d’habitude.

Top – Non, mais , sans blague, ai-je loupé quelque chose. Nous marchons!!!Pendant au moins quinze minutes. L’explication est la grosse flaque d’eau qui nous barre la route et que certains ont du mal à franchir. Mais faut y aller. Des courageux se mettent à l’eau et d’autres vont suivre.
Le parcours est un chemin monotrace donc il est difficile autant de dépasser que de s’arrêter.
Nous avons pratiquement marché pendant les 2 premiers kilomètres. Les vingt prochains kilomètres sont très durs pour moi, heureusement que je suis aidée par mes bâtons. La montée est interminable, je retire ma veste, mes gants que je range dans mon sac. Je le regretterai plus tard.

PAS Rosalez, je suis passée au temps limite, je sais que je vais finir. Mais dans quel état. Je me ménage car je ne sais pas si ma jambe va tenir.
Je me laisse dépasser par des coureurs plus aguerris.
Je ne veux pas m’arrêter mais je ne peux pas courir. Alors je me résigne à marcher. Vite quand c’est possible. Car nous marchons à la queue leu leu la plupart du temps. C’est très frustrant.
La montée vers le PAS Colorado est très éprouvante car le vent glacial et la pluie fine continue paralyse mes doigts qui ont du mal à agripper les bâtons et je n’arrive pas à récupérer mes gants dans mes poches. Je ne sais plus s’il faut en rire ou pleurer. J’essaie de donner le change en offrant mon meilleur sourire devant l’objectif des photographes. Même l’arrivée au sommet ne me procure pas le plaisir escompté. Je préfère poursuivre rapidement mon chemin et retrouver une chaleur dans les plaines.

Mais la descente est toute aussi difficile car jonchée de cailloux et de rochers . La boue n’arrange pas les affaires, les chaussures sont lourdes. Je m’accroche à mes bâtons pour ne pas glisser et tomber, et pour ne pas trop appuyer sur mes genoux.
Les centres de ravitaillements sont bien fournis. En aliments salés ou sucré, la musique est entraînante et les bénévoles souriants. Mais je n’ai pas la force ni l’envie de sortir mon téléphone pour capter ces moments.

La dernière partie de la course est presque plate mais les efforts fournis précédemment ont complètement usé mes genoux. Mon sac à dos contenant mes gels, mes barres dont je n’ai pas eu l’utilité est désormais trop lourd et mon dos se fait sentir, je ressens un fil qui me tire vers la gauche et j’ai beaucoup de mal à me redresser.
Cela me rappelle les mauvais souvenirs du marathon du Mont Saint Michel où une sensation similaire s’est emparée de moi en fin de parcours.
Cinq kilomètres encore à parcourir sur la route bitumée qui n‘en finit pas de monter.
Mirador Bandurrias, situé à 2,5 km du centre ville. Nous sommes arrêtés par les bénévoles qui nous demandent de porter la lampe frontale. Il faudra l’allumer vers 18h45.
500 mètres, je sais que l’arrivée est proche. Je n’en peux plus. J’essaie de me redresser mais mon corps est tiré irrémédiablement vers la gauche.
400 mètres, j’essaie de trottiner un peu mais j’ai du mal. Je veux terminer.
300 mètres, j’aperçois au loin l’arche d’arrivée. Je me mets à pleurer. Mes nerfs lâchent. Mon voisin de course se tourne vers moi et me propose de m’aider et de finir avec moi.
200 mètres, nous courons côte à côte sous les applaudissement des spectateurs qui se sont rendus comptes de mes difficultés
100 mètres, l’animateur annonce mon nom, ma provenance et me souhaite la bienvenue en Argentine.
10 mètres, je voit une banderole soutenue par deux bénévole s’étirer devant moi. Je me retourne, je suis seule. Je ne comprends pas mais j’avance quand même.

Arrivée, je franchis la ligne avec la banderole sous les applaudissements, je reçois ma médaille mais je titube. Rapidement, je suis prise en charge par le staff médical. J’essaie de leur expliquer que je vais bien, que j’ai juste accumulé beaucoup de fatigue. Heureusement, mon mari qui a tout vu est là, ils me laissent repartir avec lui.
Résultat: 10:33:11 , 1438/1658 finishers, 614/835 femmes, 121/191 catégorie

Je suis épuisée mais ravie.
Nous rentrons péniblement à notre hôtel pas à pas. J’ai des bâtons à la place des jambes.
Je prends rapidement ma douche et nous allons dîner.